Home Éditos 46_Edito Le melon d’Elon

Le melon d'Elon

Édito au numéro 46 / Décembre 2022 / Le lichen, chimère algue-champignon - par Cécile Breton

Vu du sol, il ne se passe pas grand-chose dans la petite ville portuaire de Bastia où tout est calme : le vent est au 110 pour 13 km/heure, la pression atmosphérique de 1023 hectopascals et le point de rosée à 15 °C. Si l’on fait exception du chiffre de la température, 22 °C, en ce début novembre, tout pourrait sembler normal, d’autant que le bulletin météo s’achève par NSC (No significant change).

Ailleurs, Elon Musk dépense ses milliards pour offrir une plus grande liberté de parole aux utilisateurs de Twitter comme Donald Trump (qui, malgré son endettement, devrait parvenir à s’acquitter du nouvel abonnement à 8 €/mois). Pour le patron de Tesla, l’ancien président fait partie de ceux qu’il estime avoir été suspendus « pour des raisons mineures et douteuses. »

Plus près de chez nous, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) dresse un bilan effarant des effets de la crise sanitaire sur les esprits, et alerte sur l’imminence d’une « véritable crise sociale teintée d’isolement, de questionnements, de colères et de craintes ». Colère et crainte, c’est ce qu’expriment les désormais baptisés “écoterroristes” qui balancent leurs assiettes sur les tableaux de maitre, jusqu’aux “scientifiques en rébellion” qui sortent de leur réserve pour battre le pavé au nom de l’urgence climatique. Même Isabelle Adjani rejoint L214 pour défendre chèvres et chevreaux de Saône-et-Loire. On pourrait rallonger la liste à l’envi, mais l’envie me manque.

En cherchant “Elon Musk” dans un moteur de recherche, j’apprends avec ravissement que le “Musk Melon” ou cantaloup(e) est une variété de Cucumis melo appréciée pour son parfum et caractérisée, selon Wikipedia, par « sa pelure recouverte de boutons ressemblant à des verrues. » Selon la formule consacrée dans la presse : hasard ou coïncidence ? (Everything for the garden, 1902/Biodiversity Heritage Library).

On se déchire sur les réseaux et les plateaux TV où règnent indignation, moqueries, insultes… C’est la cacophonie, la panique, on ne sait plus à quel saint se vouer, qui croire, qui haïr… tout le monde ?

Pour éviter de sombrer dans la misanthropie, je choisis d’exprimer “colères, craintes et questionnements” en dirigeant ma haine contre un seul homme : Elon Musk. En effet, pour prendre le moins de risques possibles, j’ai pensé qu’il serait sage de choisir comme bouc émissaire ce héraut de la liberté d’expression.

Ceci étant dit, à Bastia, loin du Métavers – je confonds avec Zuckerberg, mais quelle importance ? –, alors que nous nous préparons à envoyer à l’imprimerie une petite revue sur les sciences naturelles, je dois me demander si nous ne serions pas en train de rater quelque chose. Ne risquons-nous pas d’être jugés trop passifs, poursuivant ainsi notre paisible chemin trimestriel comme indifférents au monde qui s’effondre ? Des “Rousseau”, pourrait-on ricaner, herborisant dans leur jardin, s’extasiant sur la beauté de la Nature pendant qu’Elon Musk, lui, innove sans cesse “pour le bien de l’humanité”, implantant des puces dans les cerveaux par-ci, envoyant ses bagnoles “propres” dans l’espace par-là.

Mais finalement, plus je m’informe sur lui et son “melon”, plus je reviens à la raison : ne pas dire et publier n’importe quoi est déjà un acte de résistance en soi…

Leave a Comment