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Sur le parasitisme de couvée par les coucous

• 2012/numéro 5-Aout par Bruno Corbara

Leurre de coucou (protégé par du grillage) installé à proximité d’un nid de rousserolles effarvates.

Davies N.B. & Welbergen J.A., 2008. Cuckoo–hawk mimicry? An experimental test. Proceedings of the Royal Society, Series B., 275 (1644): 1817-1822. (doi:10.1098/rspb.2008.0331)

Les auteurs de cette étude expérimentale montrent pour la première fois que des petits passereaux qui appartiennent à des espèces non parasitées par le coucou gris européen, la mésange charbonnière (Parus major) et la mésange bleue (P. caeruleus), manifestent un comportement comparable vis à vis des coucous gris (Cuculus canorus) et des éperviers d’Europe (Accipiter nisus). Les deux espèces de mésanges réduisent leur temps de visite aux postes de nourrissage et manifestent des comportements d’alarme importants pendant et après la présentation de leurres expérimentaux, en l’occurrence des coucous et des éperviers empaillés, alors qu’ils ne réagissent pas de la sorte vis à vis de leurres de « contrôle », qu’il s’agisse de tourterelles turques (Streptopelia decaocto) ou de sarcelles d’hiver (Anas crecca) empaillées. La manipulation du plumage des leurres montre par ailleurs que les réactions d’alarme les plus importantes sont obtenues avec des leurres de coucous au ventre barré alors que des leurres de coucou au ventre non barré provoquent des réponses comparables à celles obtenues avec des tourterelles empaillées. Ces travaux démontrent donc que le coucou est bien perçu comme un danger potentiel en raison de sa ressemblance avec l’épervier.

Le chercheur Justin Welbergen tenant un leurre d’épervier d’Europe.
Ponte de rousserolles effarvates parasitée. L’oeuf de coucou est légèrement plus gros.

Welbergen J.A. & Davies N.B., 2011. A parasite in wolf’s clothing: hawk mimicry reduces mobbing of cuckoos by hosts. Behavioral Ecology, 22 (3) : 574-579. (doi:10.1093/beheco/arr008)

Les auteurs de cet article démontrent pour la première fois que les coucous gris sont bien des mimétiques des éperviers d’Europe et apportent ainsi une explication à la ressemblance reportée depuis l’Antiquité entre ces deux espèces. Chez une espèce hôte courante du coucou, la rousserolle effavarvate (Acrocephalus scirpaceus), les parents d’une couvée récente, au lieu de houspiller le leurre de coucou – soit, potentiellement, une menace sérieuse pour leur progéniture – fuient celui-ci comme si elles avaient affaire à la présence d’un épervier, c’est à dire un rapace spécialisé dans la capture des petits oiseaux et donc à une menace de prédation directe.

• Trnka A. & Prokop P., 2012. The effectiveness of hawk mimicry in protecting the cuckoos from aggressive hosts. Animal Behaviour, 83: 263–268.
• Trnka A., Prokop P. & Grim T., 2012. Uncovering dangerous cheats: how do avian hosts recognize adult brood parasites? PLoS One 7(5): e37445. (doi:10.1371/journal.pone.0037445)

Les travaux de Welbergen ont récemment été partiellement confirmés par des recherches similaires réalisées en Slovaquie par des chercheurs tchèques et slovaques. Pour ces derniers qui ont également testé des leurres empaillés, le contexte pourrait intervenir et moduler les réponses des parents rousserolles vis à vis de coucous approchant leur nid. Par ailleurs, leurs recherches suggèrent que d’autres facteurs que les rayures du ventre pourraient être impliqués et en particulier les yeux, dont la couleur jaune est commune au coucous gris et à l’épervier d’Europe.

Un articles récent qui propose une recension assez exhaustive sur les adaptations des coucous à la vie parasitaire :

• Davies N.B., 2011. Cuckoo adaptations : trickery and tuning. Journal of Zoology, 284 : 1-14. (doi:10.1111/j.1469-7998.2011.00810.x)
Dans cet article de synthèse (ici toutes les espèces de coucous sont prises en compte), Nicholas Davies – un des plus grands spécialistes du coucou européen et des coucous en général – distingue deux catégories d’adaptations qui permettent aux coucous de parasiter leurs hôtes : celles qui se basent sur des mécanismes de « tricherie » (trickery) et celles qui permettent des « ajustements » (tuning) au milieu parental adoptif.

• Méchin C., 1999. Le coucou et (est) l’épervier. L‘Homme, 39 (150) : 139-156.
article accessible sur : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1999_num_39_150_453570 
L’auteure de cet article, publié dans la prestigieuse revue française d’anthropologie L’Homme, passe en revue les légendes et coutumes européennes qui assimilent le coucou et l’épervier.

Pour en savoir plus sur le coucou gris

Deux numéros – déjà bien anciens mais toujours aussi géniaux – de La Hulotte consacrés à la vie du coucou gris.
La Hulotte n° 38 & 39 (« Le bébé coucou, un vrai sale gosse »)
Vous trouverez toutes les infos sur « Le Journal le plus lu dans les terriers » sur : http://www.lahulotte.fr

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Quelques jalons historiques

• Le philosophe grec Aristote (384-322 av. J-C) n’est pas seulement connu pour ses essais sur l’éthique ou la politique. Il est également l’auteur de textes sur les animaux et notamment d’une Histoire des animaux qui fait une revue des connaissances de l’époque sur le sujet. Une remarquable somme d’informations parfois fort bien documentées et parfois farfelues aux yeux du biologiste contemporain.

L’intégralité de l’Histoire des animaux d’Aristote (en grec ancien et en français) est accessible sur : http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/animaux6.htm#I

• Le « monstrueux outrage des coucous à l’affection maternelle » est issu de d’un des livres les plus publiés en langue anglaise, le Natural History and Antiquities of Selborne (1789) de Gilbert White, ce naturaliste et ornithologue étant considéré en Grande-Bretagne comme un pionnier de l’écologie.

• Le naturaliste Alfred Russell Wallace (1823-1913) est un contemporain et ami de Charles Darwin, co-découvreur en parallèle à ce dernier des mécanismes de l’évolution des espèces, C’est dans un ouvrage ci-dessous paru en 1889 et dans lequel il défend la théorie darwiniennne qu’il émet pour la première fois l’idée que le coucou gris est un mimétique de l’épervier d’Europe.

Wallace AR., 1889. Darwinism: an exposition of the theory of natural selection with some of its applications. London: Macmillan. http://www.wku.edu/~smithch/index1.htm

• Henry Walter Bates (et non William Bates comme indiqué par erreur dans l’article Le coucou gris et l’art du mime ; William Bates est un célèbre ophtalmologiste et chirurgien américain) est un entomologiste et explorateur anglais contemporain de Darwin et d’Alfred Russell Wallace. Il a notamment exploré pendant plusieurs années le bassin de l’Amazone avec ce dernier.
En Amazonie, Bates a montré comment un papillon non toxique de la sous-famille des Dismorphiinés paré des mêmes couleurs et motifs qu’un Héliconiiné toxique était évité par les prédateurs grâce à cette ressemblance. On parle alors de mimétisme batesien « je me fais passer pour dangereux alors que je ne le suis pas »…

Pour en savoir plus sur les coucous et autres oiseaux parasites

Le livre de référence – in english, of course- sur les coucous du monde

• Davies N.B., 2000. Cuckoos, cowbirds and other cheats. T. & A.D. Poyser, London.

05-01-09

Combes C., 2010. L’art d’être parasite. Les associations du vivant. Champs, Flammarion, Paris. (édition de poche revue et augmentée)

Une excellente introduction au parasitisme par un spécialiste français avec quelques pages très claires expliquant la « course aux armements » parasite/hôte chez le coucou européen.

05-01-10

« Les associations du vivant, qu’elles relèvent du parasitisme ou au contraire du mutualisme, ont joué un rôle clé à certains moments de l’évolution en modifiant profondément la structure et le destin de l’arbre de la vie. Dans cette véritable course aux armements qu’est l’affrontement des parasites et de leurs hôtes, on chiffre le temps à l’échelle de millions d’années. Comment devient-on parasite ? Comment la profession de parasite s’exerce-t-elle ? Comment un parasite quitte-t-il son hôte ? Comment l’hôte se défend-il ? Comment certains parasites se font-ils finalement exploiter ? Autant de questions que Claude Combes illustre d’exemples nombreux sans négliger les débats les plus actuels : des parasites invisibles à nos yeux jusqu’aux coucous, en passant par le parasite du caviar, il propose un panorama de cette  » vie secrète  » du vivant qui demeure à la fois l’un des grands défis pour l’homme dans sa lutte contre la maladie et une immense source de richesses et de renouvellement pour l’écosystème. «  (texte de l’éditeur)