
Restaurer, réensauvager… quelques définitions
• 2023/numéro 49
Supplément à l’article “Le réensauvagement, vers une restauration intégrale des écosystèmes ?”, de Stéphane Héritier, professeur de géographie, université Grenoble-Alpes, CNRS UMR Pacte.
Le réensauvagement renvoie aux conceptions du sauvage. Pour certains des auteurs ou de ses promoteurs, est “sauvage” ce qui est hors du contrôle des humains, pour certains ce qui relève des dynamiques naturelles des écosystèmes, ou pour d’autres, l’idée renvoie à des écosystèmes disparus depuis plusieurs milliers d’années ; d’autres encore voient le sauvage comme un instrument de reconstitution d’écosystèmes altéré par les activités humaines (agricoles, industrielles ou urbaines). Quelles que soient les conceptions du sauvage qui sous-tendent les propositions de réensauvagement, la restauration des écosystèmes devient un défi mondial : le site consacré à la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030) indique que la restauration « vise à prévenir, arrêter et inverser la dégradation des écosystèmes sur tous les continents et dans tous les océans. Elle peut contribuer à mettre fin à la pauvreté, à lutter contre le changement climatique et à prévenir une extinction massive. » (source : www.decadeonrestoration.org/fr)

Les travaux de restaurations de la nature peuvent parfois être extrêmement lourds et invasifs. Ici, la restauration de la continuité écologique de la rivière Mérantaise, à Gif-sur-Yvette (France) en 2015 (cliché L. Allorge/CC, originale ici).
L’ouvrage Rewilding, coordonné par Nathalie Pettorelli, Sarah M. Durant et Johan T. du Toit (Cambridge University Press, 2019) explorait la notion de réensauvagement en faisant le bilan de près de trois décennies d’exploration de la notion. Steve Carver S. et ses compères d’écriture proposent, en 2021, une définition synthétique qui vise à atteindre un consensus parmi une majorité de chercheurs et acteurs du réensauvagement : il correspond au « processus de reconstruction d’un écosystème naturel consécutif à des perturbations humaines majeures, des dynamiques d’un écosystème naturel, en rétablissant les processus naturels et une chaine alimentaire complète […] à tous les niveaux trophiques en tant qu’écosystème autonome et résilient avec le biote qui aurait été présent si la perturbation n’avait pas eu lieu. »
« Cela implique un changement de paradigme dans la relation entre l’homme et la nature. L’objectif ultime du réensauvagement est la restauration d’écosystèmes autochtones fonctionnels […] tout en réduisant le contrôle et les pressions exercés par l’homme. Les écosystèmes réensauvagés devraient, dans la mesure du possible, être autosuffisants. En d’autres termes, ils ne nécessitent aucune gestion ou une gestion minimale […]. » (Traduit à partir de Carver S. et al., 2021 – “Guiding principles for rewilding”, Conservation Biology (Doi : 10.1111/cobi.13730), cité dans Hawkins et al. (éditeurs), 2023 – Routledge handbook of rewilding, New-York : Routledge).
Une liste complète des références bibliographiques mobilisées dans l’article de S. Héritier est disponible à ce lien.
(Ci-contre) Avant l’apparition de la notion de rewilding aux États-Unis, au début des années quatre-vingt-dix, la protection de la nature (approche “préservationniste”) visait surtout à mettre des aires naturelles protégées “sous-cloche”, car ayant une très haute valeur patrimoniale, culturelle et esthétique. C’est particulièrement vrai aux USA, où les parcs nationaux visent à préserver la wilderness, une nature idéalisée, supposée “pure et originelle” – notion aux accents spiritualistes autour de laquelle s’est construite la nation américaine. Le concept de rewilding, formulé aussi aux USA, s’éloigne en fait radicalement de cette conception. Ici, la rivière Yellowstone, vue depuis le haut de la chute dite « Lower Falls » (cliché L. Lamsa/CC, original ici).
