Kyrnos Publications

Vingt mille lieux sous les mers… Mésozoïques

Édito

Édito du Hors Série Numéro 2 (Avril 2016)

Les mers au Mésozoïque

Publié le 15 avril 2016

Dans l’œuvre de Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers et Voyage au centre de la Terre sont sans doute les romans ayant suscité le plus de vocations en sciences de la vie et de la Terre. Dans le premier des deux ouvrages, le savant Pierre Aronnax, prisonnier du Nautilus et de l’énigmatique capitaine Nemo, passe des heures entières, à la fenêtre du salon du submersible, à admirer le fascinant spectacle de la vie sous-marine. Dans le second, le professeur Otto Lidenbrock, naviguant sur un radeau de fortune à la surface d’une mer souterraine baptisée à son nom, est le témoin d’une lutte titanesque entre deux rescapés du Mésozoïque, un ichthyosaure et un plésiosaure. L’inventif auteur des Voyages extraordinaires n’est pas allé jusqu’à imaginer une suite commune aux deux aventures et n’a pas écrit Vingt mille lieues sous les mers mésozoïques.

Combat entre un ichthyosaure et un plésiosaure. Gravure d’Édouard Riou pour l’édition originale
de Voyage au centre de la Terre, de Jules Verne (1864).

Espèces, à sa façon, vous invite à ce Voyage extraordinaire à travers ce hors-série coordonné par deux spécialistes des reptiles de ces temps lointains, Nathalie Bardet et Peggy Vincent, chercheuses au CNRS et rattachées au Muséum national d’histoire naturelle. Le métier et la passion de ces “petites-filles” de Mary Anning (la découvreuse du premier Ichthyosaurus) sont de nous faire revivre les ichthyosaures, plésiosaures et autres mosasaures, sans Nautilus ni machine à remonter le temps, parfois sur la base de quelques os épars. Les reptiles géants qu’elles affectionnent tant se situaient au sommet des pyramides trophiques et vivaient directement ou indirectement aux dépens des autres espèces peuplant leurs mers : micro-organismes, “invertébrés” et autres “poissons”. Chacune de ces catégories d’êtres vivants ainsi que la géographie changeante des 185 millions d’années du Mésozoïque sont développées dans les pages qui suivent par d’éminent(e)s spécialistes. On verra que les espèces les plus charismatiques – inévitablement les plus grandes – ne sont pas celles qui nous ont légué l’héritage le plus spectaculaire, comme en témoignent, entre autres, les formations sédimentaires des falaises d’Étretat, gigantesques accumulations de cadavres microscopiques. Ces géants marins n’ont d’ailleurs laissé aucun descendant dans les mers actuelles, en raison notamment du terrible évènement qui a marqué le passage, il y a 66 Ma, du Crétacé au Paléogène. Les géants des océans contemporains sont surtout des mammifères dont les ancêtres ont effectué un “retour” au milieu marin, bien après cette grande crise d’extinctions. Des travaux récents ont révélé leur importance dans le fonctionnement des écosystèmes… peut-être en était-il de même pour les reptiles des mers mésozoïques. Espérons qu’à court terme nos géants marins ne subissent pas le sort de ces derniers, à cause non pas d’un évènement géologique ou cosmique mais, comme c’est malheureusement le plus probable, des activités humaines.

Bruno Corbara

Chercheur en écologie, spécialiste des fourmis, université de Clermont-Auvergne

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Cet édito a été publié dans le Hors Série Numéro 2 d'Espèces :

Les mers au Mésozoïque

hors série numéro 2