« À Glasgow, la pression populaire s’affiche dans les rues”, “Derrière la flambée des prix du blé, le risque de nouvelles émeutes de la faim”, “Cinq conseils pour laver son linge en respectant la planète”… Devant le flot d’actualités en continu, les écrans saturés d’informations simultanément dites et écrites, les débats d’experts qui n’en sont pas toujours (ni des débats, ni des experts), on a plus que jamais le sentiment de subir ce que le sociologue Gérald Bronner qualifie de “cambriolage permanent de notre disponibilité mentale”.
Mais, à l’heure où nous mettons sous presse, la prédominance de la question climatique sur la scène médiatique liée à la COP26 n’est pas un cambriolage comme les autres. Bien sûr, on y trouve toute la comédie habituellement flattée par cette presse qui se préoccupe surtout de la forme (claquage de portes ou décompte de jets privés sur le tarmac de Glasgow), mais comment trouver le fond sans le toucher ? Comment distinguer le superficiel du nécessaire, le vrai du fake, les kilowattheures du nucléaire de ceux de l’éolien, les protéines animales des végétales, les engagements mous des déclarations décisives ? Et comment, finalement, ne pas être tenté de baisser les bras par confort ou par lassitude en invoquant le “fait de Dieu” dont parlait Al Gore, ce concept de contrat d’assurance qui nous libère de toute responsabilité ?
Car si beaucoup d’entre nous “bougent encore”, hésitant entre la rage et la dépression, d’autres n’écoutent plus, harassés… le niveau des eaux pourra monter d’un mètre et les famines multiplier les conflits, qu’est-ce qu’on peut bien y faire ?
Mais la question qui me tourmente aujourd’hui, c’est celle que Nicolas Martin m’a posée sur France Culture et à laquelle je n’ai pas su répondre : “Comment faire, lorsqu’on est journaliste, pour sensibiliser à l’urgence climatique ?”
J’ai compris que je faisais bêtement ce que je croyais bon de faire. Je continue naïvement à croire que motiver la curiosité pour les êtres et les choses qui nous entourent est à la fois le meilleur moyen de mettre à profit notre disponibilité mentale et de garder présent à l’esprit que la survie de l’humanité est suspendue à quelques fractions de degrés de température. Nous continuerons donc à parler dans Espèces de ce qui est – du moins de ce que la recherche en sait – en vérifiant minutieusement tout ce que nous dirons.
Car c’est peut-être l’originalité de notre revue que de laisser les scientifiques certifier le fond – soit dit en passant, le fait qu’il s’agisse d’une originalité est un peu inquiétant. L’ambition d’Espèces est de vous aider à flotter au-dessus du brouhaha médiatique et, même si nous savons que cette petite contribution ne sera pas suffisante, elle sera sans doute, à long terme, plus utile que les millions promis par Jeff Bezos pour “restaurer la nature”…