Kyrnos Publications

Petits mais costauds !

Édito

Édito du Numéro 15 (Mars à Mai 2015)

Bactéries, microbes, virus… La vie en petit !

Publié le 1 mars 2015

Ces germes ont reçu tant de noms différents que l’on finit par s’y perdre. Ainsi les appelle-t-on schizophytes, micrococcus […] bactéries […] micro-organismes […] bacilles, vibrions, etc., et j’en passe. Je crois utile de remplacer toutes ces dénominations par un nom générique plus simple, je propose en conséquence le nom général de microbe […] J’ai consulté à cet égard mon ami Littré, qui approuve mon choix.

Charles-Emmanuel Sédillot, Applications des travaux de M. Pasteur… (1878)

Les transformations pharaoniques de Paris opérées par le préfet de la Seine, Georges Eugène Haussmann, sous l’impulsion de Napoléon III, et qui lui ont donné son visage actuel, étaient en partie motivées par une théorie scientifique dite “des miasmes”. Celle-ci postulait que les épidémies se répandaient par voie aérienne, portées par un air gorgé de matières décomposées : les grandes saignées tracées dans la ville étaient donc autant destinées à favoriser la circulation de l’air que celle des hommes.

En 1853, à l’heure où Haussmann entame ses travaux, deux pandémies de choléra ont déjà gravement touché Paris et Londres, emportant parmi des millions d’anonymes quelques grands noms de la science comme Sadi Carnot ou Champollion.

En 1852 pourtant, “le bacille virgule” Vibrio cholerae avait été décrit par un anatomiste italien, Filippo Pacini, et, à la même date, le parlement londonien exigeait, par le Metropolis Water Act, que toute l’eau de Londres soit filtrée avant d’être consommée. Un médecin anglais, John Snow avait lancé l’alerte dès 1849… Il est vrai qu’il n’eut pas plus de succès à ses débuts que Pacini. Il faudra attendre 1878, année où Pasteur présente à l’Académie de médecine sa “théorie des germes”, pour que le “miasme” et sa théorie laissent définitivement leur place sur le banc des accusés au “microbe” (littéralement “petite vie”). Ce mot a été inventé quelques mois auparavant par un médecin militaire oublié, Charles-Emmanuel Sédillot, qui avait pu apprécier aux côtés de l’illustre Larrey, la puissance dévastatrice du bacille à l’hôpital Picpus. En 1884, le père de la bactériologie, Robert Koch, redécouvre le bacille du choléra (après celui du charbon et de la tuberculose qui porte son nom).

Quelques microns de vie qui redessinent les cartes, façonnent les villes, déciment des populations entières. Quelques homoncules invisibles prennent les rênes du monde sans lui demander son avis. C’est sans doute pourquoi, dans le langage courant, le terme “microbe” sous-entend “pathogène”. Ce qu’une centaine d’années de microbiologie nous a appris sur eux n’a rien de tellement rassurant… D’autant plus que leur univers n’a aucun équivalent dans celui que nous connaissions avant le microscope : s’adaptant de façon fulgurante, se répliquant sans se reproduire, se déplaçant par les moyens les plus extraterrestres, survivant aux conditions les plus extrêmes, ils semblent capables de tout.

Les médecins du XIXe siècle n’ont vu en lui que l’ennemi à abattre et sans doute ont-ils cru pouvoir l’éradiquer. On sait aujourd’hui que, issus d’une lignée à l’origine même de la vie sur Terre, les microbes lui sont indispensables et que, s’ils sont capables du pire, ils le sont aussi du meilleur…

 Father Thames introducing his offspring to the fair city of London (illustration du Punch du 3 juillet 1858).
Father Thames introducing his offspring to the fair city of London (illustration du Punch du 3 juillet 1858).

Cécile Breton

Journaliste, rédactrice en chef d’Espèces

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Cet édito a été publié dans le Numéro 15 d'Espèces :

Bactéries, microbes, virus… La vie en petit !

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