“Je voudrais pas crever
Avant d’avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d’argentAu nid truffé de bulles…”
Boris Vian
Nous avons été bien obligés de l’admettre, nous ne comprenons rien au désordre du monde, au réchauffement climatique, à la génétique, à la biodiversité, comme aux coléoptères… Ne voyez pas dans ce “nous” une généralité malvenue : je pense ce petit groupe à l’origine d’Espèces : journalistes, graphiste, bénévoles… Bien sûr, peut-être n’avons-nous pas le temps de nous y intéresser, peut-être est-ce par lassitude ou par saturation devant la masse d’informations dont il semble impossible, à notre échelle, de démêler l’écheveau. Peut-être vaut-il mieux laisser cela à ces originaux qui rampent derrière les coléoptères ?
Mais si, parfois, notre désir d’ordre nous égare (G. Lecointre, p. 68), nous pouvons nous fier à notre désir de comprendre. Ce besoin a mené certains au bûcher, mais les temps ont changé et la curiosité est désormais non seulement un droit mais aussi – et cela n’engage que moi – un devoir. Jusqu’ici, l’écart se creusait entre nous et le monde des “sciences et techniques”, fruit de la nécessaire spécialisation, n’était pas si préjudiciable. Après tout, est-ce essentiel de savoir comment marche notre photocopieuse ? Ce n’est pas important… tant qu’elle marche.
Or, aujourd’hui, je ne vous l’apprends pas : “Ça” ne marche plus !
On pourrait facilement se passer de notre photocopieuse – par ailleurs menacée par des technologies plus performantes –, mais pouvons-nous nous passer de notre environnement ? Certains disent que oui, il suffirait d’en trouver un autre, une autre planète ! Après tout, l’humanité en a vu d’autres et n’a jamais raté une occasion de scier sa branche… Malheureusement, ces termes de biodiversité ou d’environnement recouvrent des concepts bien plus larges qu’ils en ont l’air (R. Barbault, p. 13)… et qui nous englobent, nous, primates supérieurs si fiers de nos photocopieuses. Alors saurons-nous nous priver de nous-mêmes, partir à la benne avec tout le fourbi : veaux, vaches, cloportes, bactéries et mollusques ? Voilà qui pourrait heurter notre sentiment de supériorité. Voyons-y pourtant une grande chance, une occasion de descendre définitivement de notre piédestal, en espérant ne pas rater la marche.
Certains sont descendus avant d’autres, malgré les idées encore tenaces sur le sujet, nous nous sommes donc adressés à eux : les scientifiques, les amateurs éclairés (ceux de la traque aux coléoptères) et tous ceux qu’anime la curiosité pour le monde qui nous entoure. Démarche simple et presque naïve pour notre petite association, mais seul moyen de comprendre pourquoi le monde scientifique s’agite. Retourner aux sources est ce que l’on apprend, en sciences comme en journalisme. Nous cherchons donc simplement à être un véritable “média” entre “eux” et “nous” (p. 74).
Pour être tout à fait honnêtes, une autre motivation nous anime. Nous aimons nous amuser, même lorsque cela demande un petit effort. La notion de plaisir (p. 73) est bien loin de l’image que nous nous faisons de la recherche : blouse blanche + rigueur + austérité + travail riment difficilement avec joie de vivre. Encore une idée reçue à laquelle nous mènerons la vie dure.
Une chose est sûre : apprendre doit être un jeu, le sérieux n’implique pas que l’on se prenne au sérieux – au contraire, même, serais-je tentée de dire. Alors je souhaite que nous vous amuserons autant que nous nous sommes amusés en créant cette revue avec rigueur, sérieux et travail.
À vous de juger.